20/04/2016
TAFTA-TTIP : l'engrenage peut-il s'arrêter maintenant ?
Oui, mais seulement si les peuples d'Europe "exerçaient une saine pression" sur leurs dirigeants politiques :
Le traité de libre-échange transatlantique (TTIP ou TAFTA) pourrait n'être pas ratifié ! C'est avec incrédulité qu'on lit ça dans la presse.*
Incrédulité parce que le TTIP-TAFTA est un engrenage actionné, non par les dirigeants des Etats, mais par les multinationales qui sont plus puissantes que les Etats – parce qu'ils le veulent bien.
On apprenait pourtant, dans la presse d'hier, que le treizième round de négociations qui s'ouvre lundi prochain pourrait être celui du blocage. De la part de qui ? De François Hollande, aussi improbable que cela paraisse (mais il peut s'agir d'une rodomontade pré-électorale). Sa prestation du 14 avril à France 2 fut si barbante qu'on ne remarqua pas une phrase – une seule, fétu doré sur une rivière d'ennui : « La France a fixé ses conditions, la France a dit que s'il n'y a pas de réciprocité, s'il n'y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si l'on n'a pas accès aux marchés publics et si, en revanche, les Etats-Unis peuvent avoir accès à tout ce qu'on fait ici, je ne l'accepterai pas. »
Et justement, le TTIP-TAFTA organise, au nom de la « concurrence pure et parfaite » et autres arnaques libérales, le règne politico-économique des très grandes entreprises transnationales. Avec trois conséquences :
1. institutionnaliser la non-transparence (les stratégies des firmes étant opaques par définition) ;
2. créer un rapport de forces mécaniquement favorable aux firmes américaines ;
3. interdire aux Etats européens de faire contrepoids, en autorisant les multinationales à faire annuler en justice les législations nationales qui leur déplairont.
M. Hollande sera donc obligé de « ne pas accepter » le TTIP-TAFTA. S'il tient parole... D'où notre incrédulité.
Nous sommes incrédules aussi lorsque l'eurodéputé Lamassoure, chef de file LR au Parlement de Strasbourg-Bruxelles, dit « craindre » que le prochain président américain fasse du protectionnisme : ce qui condamnerait (selon lui) le TTIP-TAFTA... Mais la Maison Blanche a toujours fait du protectionnisme déguisé, tout en vouant le rest of the world au libre-échangisme. C'était déjà le cas quand elle bénissait l'engrenage du TTIP-TAFTA : l'élection de Mme Clinton ou de M. Trump n'introduira qu'une différence de style.
Nous sommes également incrédules à cause du « couple franco-allemand », cadavre politique mais qui bouge encore. Mme Merkel a donné le feu vert à la mise en marche de l'engrenage en juillet 2013 (pour des raisons qui ne sont pas toutes élucidées) ; M. Hollande n'oserait se fâcher avec Mme Merkel en ce printemps 2016, où l'on joue à se faire peur avec le Brexit**.
Comme pour faciliter la ratification du TTIP-TAFTA, les eurodéputés ont d'ailleurs approuvé le 14 avril un projet de directive européenne « protégeant le secret des affaires », c'est-à-dire offrant aux firmes un hyper-bouclier judiciaire sans garantir la liberté d'expression aux journalistes et aux lanceurs d'alerte. Texte qui doit beaucoup, selon les eurodéputés verts***, au réseau Business Europe « qui fédère les organisations patronales européennes à Bruxelles »...
Cela dit, sait-on jamais ? Le TTIP-TAFTA étant de plus en plus redouté de l'opinion publique sur le Vieux Continent, une « saine pression sur les gouvernants » – comme dirait le pape François – pourrait non pas ralentir l'engrenage, mais le briser ! C'est un sujet qui a été débattu la semaine dernière place de la République : les médias n'y ont pas fait écho. Ils se réservaient pour le drame immense qu'allait être l'affaire Finkielkraut.
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* Par exemple Le Monde du 20/04.
** Brexit pourtant improbable : ancrés dans son europhilie, l'opposition travailliste soutient le gouvernement conservateur. De même le bloc écossais... Les sondages de cette semaine donnent 54 % d'intentions de votes pour le maintien du Royaume-Uni dans l'UE.
*** Le Monde, 13/04.
19:18 Publié dans Economie- financegestion, Europe | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : ttip tafta, europe
Commentaires
DÉJÀ LES TROIS QUARTS
> Bien sûr, il faut l'éviter, mais n'oublions pas que nous avons déjà avalé les 3/4 de la couleuvre du libre échange international. C'est l'effet cliquet: on se mobilise (le plus souvent en vain) contre ce qui va advenir, et on oublie de remettre en cause les méfaits précédents.
Régurgitons tout le corps de la couleuvre: les accords multilatéraux de l'OMC.
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Écrit par : Pierre Huet / | 20/04/2016
U.S.A.
> http://www.lefigaro.fr/international/2016/04/20/01003-20160420ARTFIG00344-barack-obama-vient-soutenir-cameron-contre-le-brexit.php
Le Brexit est en effet improbable : que Barack Obama se rende en Grande-Bretagne pour venir au secours de David Cameron (discrédité par les fuites panaméennes) dans la campagne référendaire en dit long sur l'intérêt des États-Unis à ce que l'ancienne mère patrie ne quitte pas le navire européen.
Cette posture est pour le moins révélatrice de ce que les Américains redoutent en cas de départ des Britanniques : une alliance plus poussée, peut-être fédérale, entre France, Allemagne et quelques autres qui, si elle venait à coopérer avec la Russie, deviendrait un souci de préoccupation majeur pour Washington.
Les États-Unis ont donc tout intérêt à ce que la Grande-Bretagne se maintienne dans une Union exclusivement tournée vers l'économique et le libre-échange : "business as usual" comme aurait dit Reagan.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 21/04/2016
LE T.I.S.A.
> http://www.liberation.fr/france/2016/04/27/apres-le-tafta-tisa-une-directive-bolkestein-puissance-10_1448995
Le TAFTA ne serait qu'une pâle copie d'un projet d'accord plus vaste encore, le 'Trade In Services Agreement' ou TISA, lui aussi secrètement négocié depuis plus de cinq ans.
Son but est de "de libéraliser l’ensemble des services pour cadrer avec le contexte actuel de la révolution numérique", y compris les services publics comme l'éducation ou la santé.
Une mobilisation est tout aussi nécessaire pour lutter contre ce cataclysme qui, s'il devait entrer en vigueur, remettrait en cause l'organisation de nos sociétés dans leur ensemble. Non à la "révolution numérique" !
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 28/04/2016
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